Bail commercial
La taxe d’enlèvement des ordures ménagères ne peut être mise à la charge du preneur qu’en vertu d’une stipulation contractuelle (CA Toulouse, 19 avril 2017, n°16/04864).
La Loi Pinel du 18 juin 2014 a fixé les charges et taxes qui incombent au bailleur quelles que soient les stipulations du bail (article R.145-35 du Code de commerce). Les autres charges et taxes non visées par la Loi incombent à l’une ou l’autre des parties selon les clauses et conditions du bail.
La jurisprudence se montre généralement sévère et ne fait supporter au locataire que les charges et taxes expressément mentionnées comme étant à sa charge dans le bail.
Avant 2012, même si le preneur n’était tenu de rembourser au bailleur que les impôts et taxes expressément visés par le bail, la jurisprudence considérait, même en l’absence d’une stipulation expresse, que le remboursement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) pouvait lui être réclamé. Mais en 2012, la Cour de cassation a clairement affirmé que la TEOM ne pouvait être mise à la charge du preneur qu’en vertu d’une stipulation contractuelle (Cass. Civ. 3, 13 juin 2012, n°11-17.114). Cette décision relative à la TEOM a été critiquée, certains y voyant un arrêt d’espèce, d’autres une « erreur ».
Pourtant, la Cour d’appel de Toulouse, dans son arrêt du 19 novembre 2017, reprend la solution adoptée par la Cour de cassation : Conformément à l’article 1134 du Code civil, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ne peut être mise à la charge du preneur qu’en vertu d’une stipulation contractuelle. La Cour s’explique en précisant notamment que, bien que l’appel de la TEOM apparaisse sur le même avis que la taxe foncière, elle ne constitue pas un élément de celle-ci (car son objet ne correspond pas à un impôt en raison de la propriété d’un immeuble, mais résulte de la participation à un service rendu par la collectivité locale).
La motivation convainc et les rédacteurs d’acte seront bien inspirés de rédiger soigneusement les clauses relatives aux impôts et taxes mis à la charge du preneur.
Bail commercial
LLe commandement visant la clause résolutoire dont l’imprécision est de nature à créer dans l’esprit du locataire une confusion l’empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions qui lui sont faites et d’y satisfaire dans le délai requis, est nul (Cass. Civ. 3, 30 mars 2017, n°16-11.970).
Dans cette affaire, le bailleur a notifié à son locataire un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à effectuer « toutes les réparations d’entretien normalement à sa charge, que ce soit dans les parties communes ou dans les parties privatives, à procéder à la remise en état des dégradations constatées par acte d’huissier de justice établi le 12 septembre 2008 et à remettre les lieux en état ».
Le commandement est contesté par le preneur et est annulé par le juge, car il ne précisait pas les travaux en fonction de leur nature et des lieux et ne distinguait pas les travaux relevant de l’entretien de ceux relevant de la remise en état.
En résumé, pour être valable, le commandement visant la clause résolutoire doit être précis et permettre au locataire de savoir exactement ce que le bailleur attend.
Bail commercial
Le bailleur qui a offert le paiement d’une indemnité d’éviction peut dénier au locataire le droit au statut des baux commerciaux tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur la fixation de l’indemnité d’éviction (Cass. Civ. 3, 7 septembre 2017, n°16-15.012).
Une des conditions que doit remplir le locataire pour bénéficier d’un droit au renouvellement de son bail commercial est d’être immatriculé au registre du commerce et des sociétés (ou au Répertoire des métiers ou Maison des artistes), sauf rares exceptions. A défaut pour le preneur d’y satisfaire, il s’expose à ce que le bailleur lui signifie, pour l’expiration du bail, un refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction.
La décision rendue par la Cour de cassation le 7 septembre 2017 est intéressante en ce qu’elle précise que la possibilité pour le bailleur de denier le droit au statut des baux commerciaux, et donc de refuser le renouvellement et toute indemnité d’éviction n’est pas soumis au délai de prescription biennale.
Dans cette affaire, le bailleur a, après avoir refusé le renouvellement en offrant une indemnité d’éviction, a signifié un nouveau refus de renouvellement, mais cette fois en refusant également tout paiement à une indemnité d’éviction pour défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Plus de deux années s’étant écoulées depuis l’offre d’indemnité d’éviction, le preneur soutenait que le bailleur ne pouvait plus retirer son offre d’indemnité d’éviction.
La Cour de cassation rejette l’argument : le bailleur peut dénier le droit au statut des baux commerciaux (et donc dénier au locataire tout droit à indemnité d’éviction), tant qu’une décision judiciaire définitive n’a pas été rendue sur la fixation de ladite indemnité.
Les locataires veilleront donc à satisfaire à toutes les conditions pour bénéficier du droit au renouvellement du bail, même après l’offre d’indemnité d’éviction et tant que celle-ci n’a pas été fixée de façon définitive, cette indemnité n’étant pas acquis jusque-là.
Bail d’habitation
Le logement donné en location meublée doit être garni de meubles en qualité et quantité suffisantes pour permettre au locataire de vivre convenablement (Cass. Civ. 3, 27 avril 2017, n°16-12.357).
Dans le cadre d’un litige portant sur des travaux de remise en état relatif à un bail meublé, le locataire contestait le caractère meublé de la location et donc la qualification du bail, et demandait donc que le contrat soit soumis à la loi du 6 juillet 1989 relative au régime des baux d’habitation des logements loués vides.
La Cour de cassation se montre plus sévère que la Cour d’appel de Lyon (qui s’était contentée d’éléments tels que les mentions figurant sur le bail et les quittances pour qualifier le bail de meublé), en affirmant que le logement donné en location doit garni de meubles en qualité et quantité suffisantes pour permettre au locataire de vivre convenablement, ce qui n’était pas le cas ici.
Même si depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, le régime du bail de logement vide et celui de la location meublée sont quasi-identiques, le bail meublé conserve quelques spécificités telles que la durée (un an, au lieu de trois ou six ans). La qualification du contrat de location demeure donc un sujet de débat entre les parties.
Le bailleur de logements meublés doit donc veiller à ce que le bien mis à la disposition du locataire contienne suffisamment de meubles : lit, table, chaises, vaisselle et ustensiles de cuisine, réfrigérateur, luminaire…
Bail d’habitation
Même si le locataire a déménagé et que le logement a été abandonné, la reprise des lieux par le bailleur est illicite si le bail est toujours en cours et cette illicéité ouvre droit à une indemnisation au profit du locataire (Cass. Civ. 3, 6 juillet 2017, n°16-15.752).
Face à des loyers impayés, un bailleur a mandaté un huissier pour pratiquer une saisie conservatoire sur les meubles du locataire. Apprenant quelques jours plus tard que ce dernier avait déménagé, le même huissier constate que l’habitation a été vidée et dresse un procès-verbal de reprise des lieux et fait changer la serrure du logement. Le locataire saisit alors le juge pour obtenir la condamnation de l’huissier à l’indemniser du préjudice subi.
La Cour de cassation retient la responsabilité de l’huissier qui est condamné : La reprise du logement loué est illicite si le bail est toujours en cours (alors même que le local a été abandonné). La Cour énonce en effet que la seule constatation d’une reprise illicite d’un logement ouvre droit à réparation.
Ainsi, tant que le bail est en vigueur, l’huissier de justice, pas plus que le bailleur, ne peut faire changer les serrures du logement et reprendre le logement, sous peine de s’exposer à une condamnation au paiement de dommages et intérêts ainsi qu’à des sanctions pénales pour violation de domicile !
Le bailleur aurait pourtant pu mettre en œuvre une procédure particulière de résiliation du bail d’habitation afin de reprendre les lieux que le locataire a abandonné avant la fin du bail (article 14-1 de la Loi du 6 juillet 1989), procédure simple et rapide qui permet d’éviter bien des déconvenues !
Copropriété
Lorsqu’il complète le règlement de copropriété, l’état descriptif de division peut avoir une valeur contractuelle (Cass. Civ. 3, 6 juillet 2017, n°16-16.849).
En copropriété, la destination du lot est généralement mentionnée dans un état descriptif de division.
Si le document est qualifié de contractuel, le principe de liberté d’usage des parties privatives posé par l’article 9 de la loi de 1965, déjà fortement encadré par la limite du respect des droits des autres copropriétaires et de la destination de l’immeuble, est encore plus restreint.
Dans cette affaire, un copropriétaire a contesté et demandé l’annulation d’une décision prise par l’assemblée générale des copropriétaires qui lui a refusé « l’autorisation d’apposer des plaques professionnelles ». Dans le cadre de cette procédure, le syndicat des copropriétaires a, quant à lui, demandé que le tribunal constate qu’en vertu du règlement de copropriété, le lot du 2ème étage du copropriétaire concerné ne peut être occupé à titre professionnel.
Le litige tient au fait que le règlement de copropriété prévoit que l’immeuble est destiné à un usage mixte (professionnel, commercial ou habitation), alors que l’état descriptif de division décrit les lots comme des « appartements ».
Cette apparente contradiction est tranchée par le juge, étant précisé que l’interprétation des contrats relève de son pouvoir souverain. La Cour décide ici que l’état descriptif de division a une valeur contractuelle et que ses dispositions viennent préciser celles, plus générales, du règlement de copropriété lui-même.
Même si cet arrêt tend à reconnaître à l’état descriptif de division une valeur contractuelle, il n’en demeure pas moins que l’appréciation du juge dans l’interprétation des actes qui lui sont soumis revêt une importance primordiale, qui fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre.