Bail commercial

La clause d’un bail commercial, entravant la liberté de ne pas adhérer à une association de commerçants d’un centre commercial, ou de s’en retirer à tout moment, est nulle (Cass. Civ. 3, 11 octobre 2018).
L’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme dispose « toute personne a le droit à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ». L’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 prévoit que « tout membre d’une association qui n’est pas formée pour un temps déterminé peut s’en retirer en tout temps, après paiement des cotisations échues et de l’année courante, nonobstant toute clause contraire ».
C’est en vertu de ces deux dispositions que la Cour a rejeté la demande de paiement de cotisations d’une association de commerçants à l’égard d’un de ses membres qui y avait adhéré en raison d’une clause de son bail commercial et qui s’en était retiré, le preneur n’étant plus tenu de payer les cotisations appelées après son retrait, nonobstant toute stipulation du bail.
La Cour confirme ainsi le principe selon lequel une clause d’un bail commercial, entravant la liberté de ne pas adhérer à une association ou de s’en retirer en tout temps, est entachée de nullité absolue.

Bail commercial

La limitation à une durée de trois ans de la garantie solidaire du cédant est une disposition d’ordre public (Cass. Civ. 3, 11 avril 2019). 
La très grande majorité des baux commerciaux stipule une clause de garantie solidaire du cédant, qui impose à ce dernier de garantir le bailleur en cas de défaillance de son cessionnaire dans l’exécution du bail (et notamment le paiement des loyers et charges).
La Loi Pinel du 18 juin 2014 a limité la durée de cette garantie : le bailleur ne peut invoquer la garantie du cédant que durant une période de trois ans à compter de la cession du bail (article L.145-16-2 du Code de commerce).
Se prononçant sur l’une des dispositions importantes de cette loi Pinel, la Cour de cassation a posé deux principes, aux termes d’une décision récente du 11 avril 2019 :

  • La limitation de la garantie solidaire du cédant à trois ans à compter de la cession du bail ne s’applique pas aux baux en cours à la date du 18 juin 2014 (Loi Pinel).
    Les clauses de garantie solidaire insérées dans les baux en cours à la date de promulgation de la loi Pinel ne sont donc pas concernées par cette limitation à trois ans et s’appliquent dès lors telles qu’elles sont stipulées.
  • La limitation à trois ans de la garantie solidaire du cédant revêt un caractère d’ordre public, ce qui rend totalement inefficace toute stipulation augmentant ce délai.
    Cette décision est étonnante dans la mesure où les dispositions de l’article L.145-16-2 ne sont pas visées par l’article L.145-15 du Code de commerce (qui énonce celles qui sont d’ordre public dans le cadre du statut des baux commerciaux). Ce n’est toutefois pas « une première ». La Cour avait déjà surpris en affirmant le caractère d’ordre public du droit de préemption du preneur en cas de vente des lieux loués (Cass. Civ. 3, 28  juin 2018).

Bail commercial

Le nouveau bailleur est tenu d’exécuter les travaux non effectués par l’ancien (Cass. Civ. 21 février 2019).
A la demande du preneur, un bailleur a été condamné à exécuter des travaux dans les lieux loués. Lesdits locaux ont ensuite été vendus (par adjudication) à un tiers. Le nouveau propriétaire bailleur est alors à son tour poursuivi par le preneur au titre de l’exécution des mêmes travaux.
Le nouveau bailleur le conteste, considérant que le vendeur n’est pas dispensé de son obligation d’exécuter les travaux qui étaient nécessaires lorsque celui-ci était propriétaire et dont la charge lui incombait.
Mais, la Cour de cassation rejette cet argument : depuis l’acquisition du bien, le nouveau propriétaire est tenu envers le locataire de réaliser les travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien, même si l’ancien propriétaire a déjà été condamné à les exécuter.
Précisons néanmoins qu’une fois les travaux exécutés, le nouveau bailleur aura la possibilité d’agir à l’encontre de son vendeur pour obtenir le remboursement du coût de ces travaux (sauf si l’acte de vente prévoit une clause contraire).

Copropriété

La notification au copropriétaire est valablement faite par le syndic au dernier domicile qui lui a été indiqué (Cass. Civ. 3, 28 mars 2019).
Un syndicat des copropriétaires a assigné en paiement d’un arriéré de charges un copropriétaire. En réaction, celui-ci a sollicité l’annulation des résolutions d’une assemblée générale relatives au budget prévisionnel.
La Cour d’appel de Bastia a accueilli cette demande d’annulation, car le syndicat ne justifiait pas de la régularité de la convocation à l’assemblée générale, l’avis de réception portant la mention « NPAI » et celui de la lettre de notification du PV ne portant aucune signature.
La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement et considère qu’il convient de vérifier si la convocation et la notification du PV ont bien été adressées au dernier domicile indiqué au syndic par le copropriétaire concerné, ce qui était le cas ici. Les notifications faites par le syndic étaient donc régulières.
La Cour confirme ainsi la jurisprudence constante en la matière : la notification faite par le syndic à un copropriétaire à la dernière adresse indiquée par ce dernier est valable (même si celle-ci est erronée).
Le syndic a donc intérêt à toujours mettre à jour son fichier en fonction des informations qui lui sont transmises par les copropriétaires. Ces derniers ont intérêt à toujours informer le syndic de leur changement d’adresse.

Construction

Le maître de l’ouvrage peut, dans certains cas, rechercher la responsabilité de l’entrepreneur pour des désordres apparents lors de la réception (Cass. Civ. 3, 20 décembre 2018).
Un marché de travaux a été confié à un entrepreneur. Ces travaux ont fait l’objet d’une réception sans réserves (malgré des fissures sur la façade). Le maître de l’ouvrage s’est ensuite plaint de ces fissures et a demandé à l’entrepreneur une indemnisation à ce titre.
Sans surprise, ce dernier oppose que ces désordres étant apparents lors de la réception, sa responsabilité ne peut être engagée.
Mais, la Cour de cassation n’est pas de cet avis et retient que :

  • la réception sans réserves de désordres apparents n’interdit pas au maître de l’ouvrage de rechercher la responsabilité de l’entrepreneur lorsqu’il n’a pas été mis en situation de mesurer l’ampleur des désordres au moment des opérations de réception,
  • le maître de l’ouvrage, qui a réceptionné sans réserves les travaux, n’est pas un professionnel du bâtiment et ne pouvait imaginer que les désordres prendraient de l’ampleur et se généraliseraient sur la quasi-intégralité de la façade.

La demande d’indemnisation à l’encontre de l’entrepreneur est donc recevable, nonobstant l’absence de réserves à la réception.

Vente immobilière

Chargé de purger le droit de rétractation du bénéficiaire d’une promesse de vente, l’agent immobilier doit vérifier la signature sur l’avis de réception (Cass. Civ. 3, 21 mars 2019).
Lorsque la promesse de vente d’un bien immobilier d’un logement existant est conclue sous seing privé, le bénéficiaire de la promesse (l’acquéreur) bénéficie d’un droit de rétractation lui permettant de renoncer à la vente en respectant un certain délai, sans avoir à justifier d’un motif (Loi SRU du 13 décembre 2000 – Article L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation). Lorsque l’acte est notarié, il s’agit d’un délai de réflexion qui court avant la signature de ladite promesse.
La loi Macron du 6 août 2015 a porté le délai de réflexion ou de rétraction de sept à dix jours.
Dans cette affaire, une promesse de vente immobilière a été signée par l’intermédiaire d’un agent immobilier, qui a été chargé de procéder à la purge du droit de rétractation aux époux bénéficiaires et donc à la notification à ces derniers de ladite promesse.
Des difficultés étant survenues lors de la réalisation de la vente, la régularité de la notification par lettre recommandée AR de la promesse aux bénéficiaires a été contestée, au motif que le mari n’ayant pas signé l’avis de réception en qualité de mandataire de son épouse, il n’était pas certain que la promesse ait été notifiée à celle-ci. La responsabilité de l’agent immobilier est alors recherchée.
Aux termes d’une décision innovante, la Cour de cassation considère que, chargé de purger le droit de rétractation, l’agent immobilier est tenu de vérifier la sincérité, au moins apparente, de la signature figurant sur l’avis de réception de la lettre recommandée adressée à l’acquéreur bénéficiaire de la promesse. Faute de procéder à cette vérification, sa responsabilité est susceptible d’être engagée, car la validité de la purge du droit de rétractation est une l’obligation de résultat à la charge de l’agent immobilier.