Bail commercial
Dans le cadre d’un bail verbal ayant pris effet avant la loi Pinel, l’obligation de prise en charge de la taxe foncière par le preneur peut résulter d’un accord des parties (Cass. Civ. 3, 28 mai 2020, n°19-10.056).
A la suite de l’acquisition dans le cadre d’une liquidation judiciaire du fonds de commerce comprenant un bail commercial verbal, le nouveau locataire se voit réclamer par le bailleur le paiement de la taxe foncière de 2014 à 2017. Pour le condamner, le Cour d’appel de Rouen retient qu’en présence d’un bail verbal, il convient de rechercher l’existence d’un accord des parties sur le transfert au preneur de la charge de la taxe foncière et relève qu’il est établi que le précédent locataire avait remboursé au bailleur la taxe foncière jusqu’en 2011, que la taxe 2012 avait fait l’objet d’une déclaration de créance admise par le juge-commissaire et que l’administrateur judiciaire avait validé le paiement de la taxe 2013.
Comme la Cour d’appel, la Cour de cassation constate l’accord des parties au bail initial sur ce point, antérieurement à l’ouverture de la procédure collective de l’ancien preneur, et en déduit que son successeur est tenu de prendre en charge les taxes foncières.
Cette décision peut dérouter. La jurisprudence constante de la Cour de cassation imposait jusqu’alors une clause expresse dans le bail pour mettre la taxe foncière à la charge du preneur. Mais cette jurisprudence semble s’assouplir ces dernières années (Cass. Civ. 3, 12 septembre 2019). Un pas de plus est franchi ici (et la mention « FS-PBI » de cet arrêt montre en outre que la Cour attache une certaine importance à cette décision) : Une clause expresse dans le bail n’est plus une condition impérative, le transfert de la taxe foncière sur le preneur peut résulter de circonstances démontrant un accord des parties dans ce sens.
Toutefois, alors même qu’elle serait confirmée par la jurisprudence à venir, cette solution pourrait être de courte application : La Loi Pinel s’imposant aux baux commerciaux conclus ou renouvelés depuis 2014 exige que le bail comporte un inventaire précis et limitatif des catégories des impôts et taxes incombant au preneur.
Bail commercial
La responsabilité personnelle du liquidateur judiciaire de la société locataire est engagée s’il résilie le bail alors qu’il sait qu’à cette date il n’est pas en mesure de restituer les locaux (Cass. Com. 12 novembre 2020, n°19-17.602).
Après la mise en liquidation judiciaire de la société locataire, le liquidateur notifie au bailleur son intention de ne pas poursuivre le contrat de location. Les locaux n’ayant pas été libérés plusieurs semaines plus tard, ledit bailleur l’assigne, tant à titre personnel qu’ès qualités, en réparation du préjudice résultant de l’occupation des lieux loués entre la date de résiliation et celle de la remise des clés.
La Cour de cassation retient la responsabilité personnelle du liquidateur, car celui-ci savait qu’à la date de résiliation, il n’était pas en mesure de restituer les locaux parce que s’y trouvaient entreposés les actifs dépendant de la liquidation judiciaire qu’il devait réaliser, tandis qu’il reconnaissait lui-même qu’il n’avait pas les moyens de les entreposer ailleurs et qu’il ne maîtrisait pas les délais d’intervention du commissaire-priseur et du juge-commissaire nécessaires à cette réalisation.
Le liquidateur devant répondre personnellement des conséquences dommageables des fautes qu’il commet dans l’exercice de ses fonctions, la Cour affirme ici que sa responsabilité personnelle est engagée.
Cette décision alerte une nouvelle fois les mandataires judiciaires sur leur responsabilité en cas de libération tardive des lieux loués
Bail d’habitation
Lorsque l’état des lieux d’entrée est imprécis et incomplet, les dégradations relevées dans l’état des lieux de sortie n’incombent pas au locataire (CA Lyon, 26 mai 2020).
Selon l’article 1731 du Code civil, s’il n’a pas été fait d’état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf preuve contraire.
La loi du 6 juillet 1989 encadre les états des lieux locatifs et impose de tenir compte de la vétusté du logement afin de déterminer les éventuels frais de remise en état. Le décret du 30 mars 2016 fixe ainsi, pour l’ensemble des locations d’un logement à usage de résidence principale, les modalités d’établissement des états des lieux d’entrée ou de sortie et les modalités de prise en compte de la vétusté, et précise notamment que, pour chaque pièce et partie du logement, l’état des revêtements, des équipements et des éléments du logement doit être décrit précisément.
Dans cette affaire, l’état des lieux d’entrée non daté, dressé entre bailleur et preneur, était très sommaire et très peu précis : simples cases cochées avec des initiales, sans autre précision, pas d’état du salon séjour, des escaliers, du hall, du garage, du bureau… Au contraire, l’état des lieux de sortie dressé par huissier (à la demande du bailleur) était précis, détaillé et assorti de photographies.
Le bailleur a agi à l’encontre du locataire pour obtenir la prise en charge du coût de travaux de remise en état.
La Cour d’appel de Lyon a jugé que la différence de traitement de ces deux états des lieux constituait une forme de duplicité du bailleur qui a sciemment simplifié et/ou omis certaines descriptions à l’entrée dans les lieux, alors qu’il les multipliait, par le biais d’un constat minutieux et détaillé, à la sortie de la locataire. En outre, la Cour a relevé que lors de l’entrée dans les lieux, le logement dépendait d’une maison vétuste comprenant des embellissements et prestations largement usagés et que le constat fait à la sortie (moins d’un an et demi plus tard) ne révélait aucune dégradation majeure susceptible d’être attribuée à un comportement délibéré, maladroit ou négligent du locataire sortant.
Dans ces conditions, la Cour a jugé que la présomption de bon état de l’article 1731 du Code civil ne s’appliquait pas et le bailleur ne pouvait obtenir la condamnation du locataire.
Cette décision met en évidence la nécessité de dresser un état des lieux le plus exhaustif et précis possible tant à l’entrée qu’à la sortie. Le bailleur ne peut se retrancher derrière le caractère succinct de l’état des lieux d’entrée pour prétendre que tout ce qui n’a pas été relevé implique incontestablement un bon état.
Copropriété
Tant que la clause du règlement de copropriété prévoyant la participation de son lot à cette catégorie de charges n’a pas été déclarée non écrite, un copropriétaire est tenu de payer les charges de chauffage, même s’il n’en bénéficie pas (Cass. Civ. 3, 9 juillet 2020, n°19-12.59).
Selon les dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d’équipement commun en fonction de l’utilité objective que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées. Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes, générales et spéciales, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots.
Ces règles de répartition des charges sont impératives. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Dans cette affaire, le syndicat des copropriétaires a assigné en paiement de charges de chauffage collectif, le propriétaire d’un lot non raccordé audit chauffage collectif.
La Cour d’appel de Limoges a rejeté cette demande, considérant que le défaut de raccordement du lot au chauffage collectif prive ce copropriétaire de la possibilité de bénéficier du réseau collectif de chauffage.
La Cour de cassation a rappelé les principes ci-dessus mentionnés et cassé cette décision. Selon la Cour suprême, dès lors que la clause du règlement de copropriété faisant peser des charges de chauffage collectif sur ce lot n’est pas réputée non écrite, elle doit recevoir application. Ainsi, le copropriétaire doit payer les charges concernées même si son lot ne bénéficie pas de la prestation de chauffage.
Cette solution, qui peut sembler inéquitable, constitue une confirmation de la jurisprudence en la matière.
Copropriété
Une habilitation du syndic n’est pas nécessaire pour appeler en garantie l’assureur de la copropriété lorsque celle-ci est en défense (Cass. Civ. 3, 27 février 2020, n°19-10.887).
Se plaignant d’infiltrations, un copropriétaire assigne le syndicat des copropriétaires en paiement de dommages-intérêts. Ce dernier appelle alors en garantie son assureur.
La Cour d’appel de Chambéry déclare irrecevable la demande du syndicat contre son assureur, au motif que le syndic n’a pas été autorisé à agir par l’assemblée générale des copropriétaires.
La Cour de cassation censure cette décision : le syndic n’a pas à être habilité par l’assemblée générale des copropriétaires pour défendre à l’action introduite à l’encontre de la copropriété et former une demande en garantie contre l’assureur de celle-ci.
Cette décision rappelle la jurisprudence en la matière, selon laquelle le syndic peut, dans une instance dans laquelle la copropriété était défenderesse, appeler en garantie un co-responsable pour dégager la responsabilité du syndicat des copropriétaires (Cass. Civ. 3, 7 janvier 1981, n° 79-12.508 ; Cass. Civ. 3, 30 novembre 2004, n°00-20.453).
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